mardi 24 novembre 2009

La rétroaction aux travaux des étudiants : regard métacognitif sur mes pratiques. Par Jacques Rodet

Il y a quelques années de cela, j'avais écrit un article intitulé « La rétroaction, support à l'apprentissage ? ». Je m'étais intéressé à examiner les usages que je pouvais avoir comme apprenant des rétroactions de mes tuteurs à mes travaux et avais listé une vingtaine de propositions pour que celles-ci soient participatives de l'apprentissage. Je reproduis ci-dessous le tableau de ces propositions.
Depuis ce temps là, j'ai eu l'occasion de rédiger de nombreuses rétroactions à des travaux d'apprenants à distance et pu mesurer combien mes propositions étaient exigeantes pour un tuteur. Aussi, je me propose ici de vous faire part de mes représentations actuelles de ces propositions au regard de mes pratiques, du moins pour celles qui concernent directement le tuteur.
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La rétroaction devrait être structurée en chapitres pour chacun des plans cognitifs, méthodologique, métacognitif et affectif J'ai pris un peu de distance avec cette proposition. Si je considère toujours utile pour un tuteur de repérer les informations qu'il doit transmettre à l'apprenant sur ces différents plans, je ne structure plus mes rétroactions autour d'eux. Je préfère utiliser un plan correspondant davantage à la production de l'apprenant. Ainsi, mes rétroactions comportent toujours des remarques générales, puis des commentaires pour chacune des parties remarquables du travail de l'apprenant, un dernier paragraphe de synthèse comportant éventuellement, lorsque c'est demandé par l'institution, une note. C'est à l'intérieur des différents éléments de ma rétroaction que j'insiste plus particulièrement sur l'un ou l'autre plan lorsque ceci s'avère nécessaire. Le tuteur devrait exprimer et argumenter sa façon de voir et inviter au dialogue Ces informations étant susceptibles de donner davantage d'éléments d'appréciation de la rétroaction et de participer ainsi à la négociation du sens par l'apprenant, je n'hésite pas à expliciter mon point de vue et à mettre ainsi au jour ma subjectivité. J'invite systématiquement l'apprenant à poursuivre les échanges en fin de rétroaction même si le cours est terminé. Le tuteur devrait présenter rapidement les points qui font débat dans la communauté pédagogique Bien souvent, étant tuteur des formations que j'ai moi-même conçues, la pluralité des points de vue est représentée dans les ressources mises à la disposition des apprenants. Je n'interviens donc dans mes rétroactions que pour renvoyer à ces sources ou en indiquer de nouvelles. A cet égard, il me semble aujourd'hui, qu'il faut également faire attention à la surcharge cognitive à laquelle on risque d'exposer l'apprenant en allant trop en profondeur sur certains thèmes où les différences entre les auteurs, si elles sont réelles, ne sont pas toujours en rapport avec les objectifs visés de la formation. Le tuteur devrait indiquer l'accès à des ressources documentaires complémentaires. En relation avec le service documentaire, il devrait transmettre les références des articles de revues parus récemment sur le sujet traité. C'est une des propositions que je mets en œuvre le plus régulièrement même si les articles que j'indique ne sont pas toujours les plus récents. En effet, la pertinence du contenu de la ressource me paraît davantage centrale que sa nouveauté. Le tuteur devrait suggérer à l'apprenant des échanges particuliers entre pairs. Je mets en œuvre cette proposition dès que je constate que les pairs ont des centres d'intérêt communs. Dans bien des cas, ceci est réalisé avant même la rétroaction. Le tuteur devrait évaluer les stratégies méthodologiques de l'apprenant. Je ne peux pas dire que je procède à une évaluation systématique de ces stratégies mais formule très fréquemment des commentaires sur l'utilisation ou non de certaines stratégies telles que la construction du plan du travail, la structuration du traitement du thème du travail, le recours à des schémas ou des tableaux, etc. Le tuteur devrait suggérer d'autres stratégies qui auraient pu être utilisées par l'apprenant Le plus souvent, je procède à de telles suggestions lorsque celles utilisées par l'apprenant se sont révélées peu pertinentes. Je le fais beaucoup moins pour les autres. Le tuteur devrait exprimer son savoir faire méthodologique et inciter l'apprenant au partage mutuel. Je traite en partie cette proposition en amont même du travail et de sa rétroaction en fournissant des outils méthodologiques parmi les ressources du cours. Dans ma rétroaction, j'y fais référence lorsque ceci est nécessaire. Toutefois, j'apprécie particulièrement les échanges sur ce point car il me permette souvent d'en apprendre autant que les apprenants. Le tuteur devrait situer les connaissances de l'apprenant par rapport aux objectifs du cours. Je procède ici de deux manières différentes. D'une part, dans les remarques générales je rappelle les objectifs visés. Dans la synthèse, j'exprime un jugement personnel sur le niveau atteint par l'apprenant. Le tuteur devrait inviter l'apprenant à mettre en œuvre des activités métacognitives ou lui en proposer certaines. Ma pratique sur cette proposition se situe fréquemment en amont de la rétroaction. Soit par la proposition de tenir un journal de formation ou bien par le positionnement d'activités métacognitives durant la formation qui peuvent également être intégrées à la réalisation du travail lui-même. Il m'arrive également d'inviter l'apprenant à engager une réflexion métacognitive sur son travail par la formulation de questions. Le tuteur devrait engager un dialogue avec l'apprenant sur son profil psycho-cognitif. J'ai pris quelques distances par rapport à cette proposition car à la notion de profil psycho-cognitif je substitue celle de préférences cognitives. Il me semble en effet difficile d'enfermer un apprenant dans un profil psycho-cognitif et j'estime que le rôle transversal d'une formation est aussi de faire évoluer l'apprenant dans la maîtrise d'autres stratégies cognitives que celles vers lesquelles il se dirige de manière préférentielle. Je ne procède donc pas par questionnaire préalable mais plutôt par remarques qui sont liées aux pratiques de l'apprenant. Le dialogue s'établit parfois mais je ne le provoque pas de manière proactive. Le tuteur devrait privilégier, pour la formulation de sa rétroaction, le style constructif C'est certainement là un des secrets d'une rétroaction réussie. Par style constructif, j'entendais l'abandon d'un style uniquement positif ou négatif. Rendre justice à la plus petite réussite et fournir des éléments de progression à l'apprenant sur les points où il en a besoin est le cœur même de la rétroaction. C'est avec ce principe en tête que je procède à mes rétroactions. A cet égard, il va de soi que toutes n'atteignent pas le même niveau de qualité. Face à un travail de très haute qualité, il est parfois difficile de trouver autre choses que des louanges à exprimer. Face à un travail de qualité insuffisante, je reste très attentif à mettre aussi en exergue les points positifs et à toujours finir ma rétroaction par l'un d'entre eux. Le tuteur devrait se remémorer et utiliser les références contextuelles de l'apprenant. J'essaye le plus possible de mettre en application cette proposition qui est plus facilement applicable dans le cadre d'une formation relativement longue et rassemblant un nombre d'apprenants pas trop important. Rejoindre l'apprenant dans son contexte reste une stratégie de première importance pour le tuteur. La mémoire ne suffisant pas toujours, j'utilise certains outils de suivi de la relation avec l'apprenant. Les rétroactions devraient être écrites. A quelques rares exceptions, je rédige toujours mes rétroactions. Il est certain que ceci est assez chronophage et que la reconnaissance de ce travail par l'institution est rarement effective. Je me suis aperçu que par rapport à mes premières expériences en la matière, le temps qui m'est nécessaire aujourd'hui est bien moindre, de l'ordre de 50% environ. Vive l'expérience ! Les rétroactions devraient être transmises sous forme de fichiers informatiques. mails, forum, fichiers textes, mes rétroactions sont toujours numériques, essentiellement parce que je ne sais réellement rédiger qu'un clavier au bout des doigts. Les rétroactions devraient être remises dans un délai de dix à quinze jours. La question des délais est importante pour l'apprenant et difficile pour le tuteur. Toutefois, la plupart de mes rétroactions interviennent dans ces délais, parfois plus courts. Cela nécessite de planifier dans mon emploi du temps le travail de rétroaction et de ne pas le sous estimer temporellement. Il m'est arrivé de ne pas respecter ce délai. Dans ce cas je préviens à l'avance chacun des apprenants. Conclusions [temporaires] A l'exception, d'une part, de la structuration de la rétroaction selon les plans cognitifs, méthodologique, métacognitif et affectif à laquelle j'ai renoncé pour lui substituer une autre pratique qui me semble plus pertinente et d'autre part, de la réorientation du dialogue sur les styles psycho-cognitifs vers les préférences cognitives ou de l'abandon de l'évaluation au profit d'un dialogue sur les stratégies méthodologiques, ce petit exercice métacognitif me montre que j'utilise les autres propositions que j'avais faites pour les tuteurs. Elles m'apparaissent toujours pertinentes. Si je n'arrive que rarement à toutes les mettre en application pour une seule rétroaction, sur l'ensemble des rétroactions que je produis je constate que j'utilise la quasi totalité de ces propositions. La piste d'amélioration que j'entrevois va vers le recours à ces propositions de manière plus systématique pour chacune des rétroactions que je produis. Ceci passe certainement aussi par une meilleure reconnaissance par les institutions de ce travail de rétroaction. Enfin, la subjectivité de cette prise de recul métacognitive pourrait être utilement complétée par la réalisation d'une enquête auprès des apprenants qui bénéficient de mes rétroactions. Illustration : Emily Kngwarreye, Untitled 122 x 91 cm Oil on canvas

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