lundi 31 janvier 2011

L'accompagnement dans les nouvelles modalités de formation, d'après Frédéric Hauew. Par Jacques Rodet


Frédéric Hauew dans un diaporama intitulé "Individualisation et nouvelles modalités de formation" s'intéresse aux différents types d'accompagnement. Je reproduis ici les trois écrans de Frédéric Hauew relatifs à ce sujet et commente le dernier.





Ce dernier schéma montre que l'autonomie des apprenants et des groupes d'apprenants n'est pas spontanée mais nécessite l'accomplissement d'un parcours en plusieurs étapes où le tuteur à distance aura à apporter son aide, plus présente au début et moins à la fin selon les principes d'étayage et de désétayage évoqués en particulier par Vygotski.

Accès et motivation : le tuteur doit permettre aux apprenants d'avoir accès à l'espace d'échanges et les inciter à participer en présentant les objectifs, les attendus, les étapes, les productions envisagées, les bénéfices à retirer, etc.

Socialisation on-line : Il s'agit pour le tuteur de favoriser l'expression de chacun afin que tous les participants puissent se situer socialement, éventuellement à partir d'une grille prédéfinie, ou de manière plus libre.

Echange réciproque d'informations : cette étape peut être assez différente selon les activités collaboratives proposées. Il peut s'agir de mieux définir le cadre de la collaboration, de permettre à chacun des apprenants d'exprimer leurs représentations des objectifs et des tâches, de déterminer le fonctionnement du groupe, de renforcer son identité, etc. Le rôle du tuteur est de favoriser ces échanges non pas en apportant des réponses par avance mais en les faisant élaborer par les apprenants.

Construction de connaissances : la construction de connaissances est toujours individuelle mais elle est également toujours stimulée, pour chacun des apprenants, par les interactions qu'ils entretiennent entre eux. Le rôle du tuteur consiste à animer ces échanges, à apporter des éléments d'approfondissement, à relever les erreurs conceptuelles éventuelles, à fournir des rétroactions individuelles et au groupe, etc.

Développement et consolidation : les précédentes étapes ont normalement permis aux apprenants de développer leur autonomie et c'est lors de cette dernière étape qu'ils sont le plus à même de l'exercer. Le tuteur tend alors à s'effacer et à n'intervenir plus que de manière réactive aux demandes des apprenants. Il procède aussi à des rétroactions sur les productions réalisées, surtout s'il a une fonction d'évaluateur.



Pour aller plus loin :
cf. France Henri, Karin Lundgren-Cayrol (2001) Apprentissage collaboratif à distance. PUQ


jeudi 27 janvier 2011

Quelques résultats du sondage "Êtes-vous un étudiant 2.0 ?"


Plusieurs centaines d'étudiantes et d'étudiants de la Téluq ont participé à un sondage sur leurs usages des logiciels sociaux. Les conclusions de cette enquête intitulée « Êtes-vous un étudiant 2.0 ? » sont désormais accessibles en ligne.

Parmi les résultats, nous relevons ceux qui intéressent plus directement les tuteurs à distance :
  • 56 % des répondants ont déclaré être intéressés à se joindre à des rencontres virtuelles en mode synchrone avec leurs personnes tutrices et les autres étudiants.
  • Malgré un intérêt assez modeste (27 % des répondants) pour la collaboration avec les pairs, on constate que, paradoxalement, un pourcentage plus élevé de répondants (entre 54 % et 43 %) est intéressé à utiliser certains des logiciels sociaux qui impliquent une forme de collaboration, notamment : les réseaux sociaux, les visioconférences Web, les blogues et les wikis.
  • L'expérience des répondants sur les logiciels sociaux est variée : 26% peuvent être classés dans le profil « débutant » qui représente le groupe de répondants qui utilisent très peu ou pas du tout les logiciels sociaux, 48% ont le profil « intermédiaire » alors que 26% relèvent du profil « avancé » qui correspond au groupe dont le niveau d’expérience est plus élevé que les deux autres profils.
  • La mesure de l'intérêt et de l'expérience des répondants pour les logiciels sociaux apportent les résultants suivants :
De manière générale, le pourcentage de répondants intéressés par un des 11 logiciels sociaux est presque toujours largement supérieur au taux de répondants possédant une expérience sur ce même logiciel. Ceci s'explique peut-être par le fait que les dispositifs de formation à distance ne permettent pas suffisamment aux apprenants d'expérimenter ces logiciels sociaux.

Il apparaît donc que les étudiants font évoluer leurs usages ou leurs intentions d'usage des outils de communication. La visioconférence apparaît largement plébiscitée. Ceci ne sera pas, n'est pas, sans conséquence sur les modalités de la relation tutorale. Dans une certaine mesure, ces résultats interpellent les tuteurs à distance et davantage les institutions pour lesquelles ils travaillent. Au-delà de la nécessaire évolution des connaissances et des pratiques des logiciels sociaux par les tuteurs à distance, un certain nombre de questions se posent. Faut-il rejoindre les apprenants dans toutes leurs préférences pour tel ou tel outil de communication ? Ces logiciels sociaux sont-ils parfaitement adaptés aux interventions tutorales ? Comment avoir une vue exhaustive des traces des interventions tutorales éparpillées dans ces différents espaces médiatiques ? Quels seraient les impacts du recours à ces outils sur les conditions de travail des tuteurs ? Les institutions sont-elles prêtent à répondre aux évolutions souhaitées par leurs apprenants ?

lundi 24 janvier 2011

Définir le modèle économique du système tutoral d'une FOAD


Texte extrait de Rodet, J. (2010) Propositions pour l'ingénierie tutorale. Revue Tutorales, n°7. pdf

Le tutorat à distance souffre, paradoxalement, du modèle économique du e-learning. Pour ce dernier, les coûts fixes de conception et de réalisation des ressources d'une part et d'achat ou de location de la plate-forme de diffusion d'autre part, sont assimilables à des investissements de départ, à l'achat d'un ticket d'entrée dans le monde de la formation à distance. Si celui-ci peut se révéler élevé, la promesse de la baisse des coûts unitaires de formation rendue possible par l'éventuelle massification de la diffusion les font accepter par les porteurs de projets e-learning. Il ne s'agit plus alors, qu'en fonction du prix de vente de la formation, de déterminer le seuil de rentabilité qui correspond à un nombre d'apprenants inscrits. De son côté, le tutorat à distance est essentiellement constitué de coûts variables qui sont corrélés avec le nombre d'apprenants. Si des économies d'échelle sont réalisables en comparaison avec la modalité présentielle, il n'en reste pas moins que son modèle économique est inverse de celui du e-learning. Il est donc nécessaire, dès la conception d'une formation en ligne, d'avoir pleinement conscience de ces différences de coûts et de ne pas consacrer la totalité du budget aux seules actions de conception, de réalisation et d'infrastructure logicielle. A cet égard, nous formulons la suggestion suivante aux porteurs de projet e-learning qui consiste à consacrer 5 à 10% du budget dont ils disposent au dimensionnement des services tutoraux. Cette ligne budgétaire ne servira pas à financer les coûts variables du tutorat mais à les identifier précisément en procédant à la quantification des interventions tutorales.

Les frais variables du tutorat étant estimés lors de la quantification des interventions tutorales, il devient possible de penser les recettes qui les couvriront. Le coût du tutorat peut être intégré au prix de vente de la formation ou au contraire faire l'objet d'une vente séparée. Certaines institutions segmente leur offre de tutorat en offres de services poursuivant des objectifs d'accompagnement et des modalités différentes de réalisation de cet accompagnement. Les prix proposés sont calculés en fonction de la fréquence, de la durée, de la portée, de la rémunération des tuteurs, et des outils utilisés pour réaliser les interventions tutorales.

Calculer le ROI du tutorat à distance n'est pas chose plus aisée que pour le e-learning. Si certains paramètres sont clairement identifiables et quantifiables, d'autres, tels que le renforcement de l'image de marque de l'institution offrant du tutorat, la réussite des apprenants et leur fidélisation, l'évolution professionnelle réussie des formateurs devenus tuteurs sont très difficiles à apprécier quantitativement alors même que leurs impacts qualitatifs se révèlent fréquemment décisifs et concourent à la réussite d'un projet e-learning.

Illustration :
Jiro Yoshihara


jeudi 20 janvier 2011

Créer des outils de suivi de la relation tutorale au sein d'une FOAD


Texte extrait de Rodet, J. (2010) Propositions pour l'ingénierie tutorale. Revue Tutorales, n°7. pdf

Le suivi des apprenants à distance par un tuteur nécessite que ce dernier puisse garder des traces de leurs échanges. Ceci peut paraître peu important pour un tuteur qui accompagne un nombre réduit d'apprenants mais se révèle indispensable lorsqu'il est en contact avec plusieurs dizaines d'individus. En effet, en l'absence de ces traces, il a peu de chance de mémoriser pour chacun des apprenants les informations échangées alors qu'elles sont essentielles pour individualiser et personnaliser la relation tutorale. Nous pouvons noter qu'il n'existe pas, à notre connaissance, d'outil générique permettant de supporter cette activité de suivi et que bien souvent, le tuteur est amené à créer ses propres outils. Lorsque il y a dans une institution plusieurs tuteurs, ces outils de suivi mériteraient d'être standardisés dans leur structure, ne serait-ce que pour harmoniser les pratiques des tuteurs et pour en faciliter l'utilisation. Dans ce cas, il nous semble que l'institution devrait initier des échanges entre les tuteurs afin de les faire participer à l'élaboration des outils qui leurs seront fournis. Quels pourraient être ces outils ? Les fonctionnalités de tracking des LMS ne les préfigurent-ils pas ? Où en est la recherche sur ces questions ?

Les échanges entre un tuteur et un apprenant sont réalisés à travers différents outils de communication au sein d'un LMS mais aussi en dehors. Il est donc toujours difficile de produire autrement qu'artisanalement un dossier de suivi pour chaque apprenant. Dans leur forme la plus artisanale, ces outils consistent en la création d'un dossier comportant d'une part la chronologie des échanges, le contenu de ces échanges (scripts ou synthèse) et d'autre part, des mentions d'ordre métacognitif qui permettent au tuteur de porter un regard distancié sur sa pratique. Un simple fichier texte peut convenir, le blog privé est également utile car il conserve la chronologie des échanges et chaque billet peut être classé dans une rubrique, par exemple le nom de l'apprenant et/ou la nature du soutien apporté. Toutefois, ce travail peut se révéler assez chronophage et il y aurait donc intérêt à ce qu'il soit davantage instrumenté de manière à réduire le temps de travail du tuteur.

Une alternative consisterait à centraliser les communications au sein du LMS et que celui-ci offre la possibilité de générer automatiquement un journal des interactions que le tuteur a eu avec chaque apprenant. A ce jour, les efforts des éditeurs de LMS portent encore davantage sur la production de traces quantitatives à destination des financeurs de la formation et des managers des apprenants que sur celles qui seraient utiles aux tuteurs. Nous pouvons néanmoins remarquer que quelques avancées portent sur la présentation, et donc la plus grande facilité d'interprétation des traces quantitatives.1

Une autre possibilité serait, à l'image des solutions explorées par Elise Garrot2 de concevoir des bases de données qui permettraient non seulement aux tuteurs de réaliser leur suivi des apprenants mais également de capitaliser leurs interventions et de pouvoir les retrouver facilement à partir de mots-clés. Une telle base de données pourrait également être partagée par l'ensemble des tuteurs d'une institution afin d'encourager leur sentiment d'appartenance tout en leur offrant l'occasion d'accéder aux interventions tutorales réalisées par leurs collègues. A terme, la constitution d'un référentiel de bonne pratiques, de scénarios d'interventions, de modèles de messages, en serait grandement facilitée.

Nous pouvons constater que de nombreux efforts restent à fournir pour une meilleure instrumentation du suivi des apprenants. Il serait utile qu'un dialogue entre éditeurs de solutions techniques, institutions et tuteurs s'établisse de manière plus formelle pour définir les objectifs, les caractéristiques et les conditions d'utilisation d'instruments dédiés au suivi des apprenants par les tuteurs.

Illustration : Philip Argent, sans titre, 2002

lundi 17 janvier 2011

La communauté de pratiques comme support de formation continue pour les tuteurs à distance


Texte extrait de Rodet, J. (2010) Propositions pour l'ingénierie tutorale. Revue Tutorales, n°7. pdf

Toute formation initiale, qu'elle qu'en soit la valeur, possède aussi ses limites. C'est pourquoi, il nous semble très important de mettre en place des dispositifs de formation continue à destination des tuteurs. Sur ce plan, la formule des communautés de pratiques nous paraît pertinente pour plusieurs raisons. D'une part, la création d'une telle communauté au sein d'une institution permet une meilleure reconnaissance des fonctions tutorales. D'autre part, le partage des expériences, des vécus, des situations délicates, montre à chacun des tuteurs qu'il n'est pas seul face à elles. En effet, si l'isolement des apprenants à distance est fréquemment reconnu - le tutorat n'est-il pas justement une réponse à cet état de fait ? - le tuteur, souvent distant géographiquement de son institution et de ses collègues, peut également nourrir le sentiment d'être seul face aux apprenants. Traiter collectivement et rétrospectivement les cas difficiles auxquels le tuteur a été confronté avec les apprenants, en bénéficiant du regard distancié de ses pairs se révèle un outil puissant de formation continue et de perfectionnement.

Une communauté de pratiques n'est pourtant pas une chose très aisée à mettre en œuvre. Si les outils collaboratifs à distance en offre l'opportunité théorique, la mise en pratique nécessite des efforts de conception et d'animation qui ne sont pas à sous-estimer. Bien avant de choisir tel ou tel outil qui permettra de soutenir les activités de la communauté de pratiques, les acteurs devront identifier les buts communs qu'ils se donnent, les règles de fonctionnement qui régiront leurs échanges, les productions qu'ils se proposent de réaliser. Cette phase initiale, qui correspond à celle de l'engagement devrait certes être supervisée par une animateur mais laisser la plus grande part d'initiative aux participants. En effet, une démarche trop centralisée, trop dirigée, risquerait de ne pas correspondre aux attentes des tuteurs et les amèneraient à ne s'investir que de manière superficielle, au pire à répondre à une exigence vécue comme une contrainte.

Produire, est certainement le mot clé d'une communauté de pratiques. Des objectifs et des tâches doivent donc être négociées, un planning défini, la nature des résultats sous forme de livrables déterminée. Dès lors, des tâches d'animation et de coordination sont à assumer. Toute communauté dépend fortement de la qualité d'intervention de ses animateurs. Trop directifs, trop présents, ils risquent de décourager la participation du plus grand nombre. Trop absents, pariant sur la spontanéité des émergences, le résultat sera probablement identique. Les qualités nécessaires pour faire vivre une communauté sont donc très semblables à celles d'un tuteur chargé d'accompagner un groupe d'apprenants dans la réalisation d'activités collaboratives. L'animation de la communauté correspond à une sorte de mise en abime des fonctions tutorales. Il est donc utile, qu'elle soit assumée par un ou plusieurs des tuteurs participants parmi les plus expérimentés.

Les productions pouvant être réalisées par ce type de communauté sont très variées. Il peut s'agir d'aboutir à une meilleure définition des rôles des différents tuteurs, de porter un regard évaluateur sur les scénarios des formations sur lesquelles ils interviennent, de constituer un référentiel de bonnes pratiques, de rendre compte et de publier sur les vécus des tuteurs, etc.

Une communauté de pratiques naît, vit et meurt. La poursuite de son existence est directement liée à la capacité de ses membres à trouver des intérêts à son maintien. Sur ce point, certains exemples peu réussis traduisent le fait que si l'intérêt de l'animateur ou de l'institution sont facilement repérables, ceux des participants le sont moins. C'est pourquoi, le processus qui a présidé à la naissance de la communauté de pratiques doit régulièrement être réactivé. D'un autre côté, l'acharnement à faire vivre une communauté rassemblant des participants qui n'ont plus de buts communs est vain. Tout comme l'objectif ultime d'un tuteur est de ne plus être indispensable aux apprenants qu'il accompagne, la finalité d'une communauté de pratiques de tuteurs ne serait-elle pas de ne plus se révéler nécessaire ? Ce constat ne devrait néanmoins jamais être pris comme point de départ, et donc comme prétexte, pour ne pas s'engager dans ce type de formation continue des tuteurs que constitue la communauté de pratiques.

Illustration : Hans Hartung, sans titre, 1955

jeudi 13 janvier 2011

Concevoir les interventions tutorales d'une FOAD


Texte extrait de Rodet, J. (2010) Propositions pour l'ingénierie tutorale. Revue Tutorales, n°7. pdf

Il est important, ici, de distinguer les différents éléments qui constituent une intervention tutorale ainsi que les modalités selon lesquelles elle se déroule. Patricia Gounon a, dès 2004, identifié trois éléments à prendre en compte : i) le tutorant, celui qui va réaliser l'intervention tutorale ; ii) la nature du tutorat qualifiée en terme de contenu, de modalité et de temporalité ; iii) le tutoré (celui ou ceux qui vont bénéficier de l'intervention tutorale.(1)

De manière plus récente, Michel Lisowski décrivant la manière de construire un « modèle tutoral » liste huit éléments relatifs à l'ingénierie de formation et sept autres éléments liés à l'ingénierie pédagogique.(2)

Pour notre part, nous proposons une grille de conception d'intervention tutorale qui contient les éléments suivants :
  • i) objectif tutoral visé ;
  • ii) les acteurs (tuteur ou tutorant et tutoré-s) ;
  • iii) le type de tutorat concerné : tutorat-programme, tutorat-cours, tutorat-technique, tutorat-administratif, tutorat-pair, tutorat-projet... ;
  • iv) les champs de support visés : a) cognitif (disciplinaire, méthodologique, technique, administratif, autre) ; b) socio-affectif (rompre l'isolement, rendre autonome, faciliter la collaboration, autre) ; c) motivationnel (lutter contre l'abandon, renforcer la motivation, encourager et féliciter, autre) ; d) métacognitif (planifier son apprentissage, évaluer les stratégies, aider à s'autoévaluer, autre) ;
  • v) la modalité synchrone ou asynchrone, proactive ou réactive et la spécification des outils utilisés ;
  • vi) la fréquence et/ou le positionnement dans le scénario de formation ;
  • vii) des commentaires et conseils à l'intention du tuteur pouvant renvoyer à des ressources ;
  • viii) des métadonnées permettant d'identifier précisément l'intervention tutorale.
L'ensemble de ces éléments permettent ainsi de se faire une idée concrète de chaque intervention tutorale. Les fiches ainsi constituées représentent aussi des ressources appréciables pour envisager la formation des tuteurs et leur permettre d'avoir une représentation la plus précise possible de ce que l'institution attend de leur part.

(1) Gounon, Patricia (2004) Proposition d’un modèle de tutorat pour la conception de dispositifs d’accompagnement en formation en ligne http://www.ritpu.org/spip.php?article53

(2) Lisowski, Michel (2010) l'e-tutorat http://www.centre-inffo.fr/IMG/pdf/AFP220-4357.pdf


Illustration : Mobile de Calder, circa, 1932

lundi 10 janvier 2011

Géométrie, e-tutorat & FOAD par Jean Vanderspelden


5ème et nouvel épisode de la série «Apprenant sans formateur» ou la rencontre durable de plus en plus improbable entre l’apprenant avec les formateurs, et donc, vers des responsabilités nouvelles à partager…

L'idée de cette série d’épisodes est d'illustrer le rôle clé que les tuteurs et les formateurs vont assumer dans le cadre d'action de formation, immanquable-ment de plus en plus ouverte, pour s'adapter aux nouvelles contraintes et opportunités d'apprendre qu'offre, ou devrait offrir à tous, notre société numérique dite de la connaissance... Accès aux épisodes précédents

Jean Vanderspelden – Consultant ITG - jean.vanderspelden@free.fr




Le triangle


Tout formateur, tout tuteur, à un moment ou à un autre, a été amené à travailler sur le fameux «Triangle» pédagogique. En 1988, Jean Houssaye (1), son concepteur, propose cette figure géométrique pour éclairer les liens entre théorie et pratique de l’éducation scolaire. Il définit l’acte pédagogique comme l’espace délimité entre trois sommets. Il qualifie cet acte en fonction des proximités relatives à chacun de ces sommets. Toute pédagogie est un choix, et un choix entre des pédagogies qui s'inscrivent dans la triangulation : "enseigner", "former" et "apprendre". Ayant posé qu'on ne peut éviter d'opter, l'auteur présente chacune de ces trois options. Rapidement, ce support à servi à de nombreuses réflexions dans le champ de la formation des adultes. Dans l’un de ses billets, publié en octobre 2007 (2), Jacques Rodet reprend ce triangle pour poser la question de «La place du tuteur à distance dans ce triangle» et pour tracer des pistes de réflexions.

L’un des mérites de ce support visuel, a été d’ouvrir la réflexion pour sortir de la relation duale entre maître et élève et faire le pari de la co-construction d’environnement où l’intelligence de chaque apprenant est le moteur des activités d’apprentissage et de production. Ainsi, on a pu explorer d’autres chemins qui nous font aujourd’hui mieux distinguer les trois verbes mobilisés. La principale conséquence est de donner, ou redonner, une place plus confortable à la personne apprenante, à l'école, dans un CFA, dans un organisme de formation (association, AFB, AFPA, APP, CCI, GRETA, organisme privé, etc.), à l'université, dans une médiathèque, dans une entreprise, à domicile, etc. en résonance avec un contexte où l'usage du numérique prend une place de plus en plus structurante.

Pierre Dac disait qu’«un carré est un triangle qui a réussi, ou un cercle qui a mal tourné». Alors il est possible, sans remettre en cause les bases de la géométrie euclidienne, de rebondir sur cette figure novatrice et de la manipuler en vue d’étudier d’autres approches. Dans ce billet, celles que je propose, passent toutes les deux par le losange. La première s’appuie sur la troisième dimension, tandis que la seconde, plus récente, nous propose un déploiement vers une carte d’orientation.

Trois losanges et un tétraèdre

Au sein de la mission nationale d’animation des Ateliers de Pédagogie Personnalisée (3), je participais aux actions de professionnalisation des nouveaux coordonnateurs-trices. L’un des objectifs de cette formation était de marquer que les APP étaient, dès leur origine en 1988, et sont toujours, des lieux de formations ouvertes (4) ... et à distance, y compris pédagogiques, d’abord pour asseoir l’autoformation accompagnée, forme de mise à distance, douce et adaptée, car négociée avec chaque apprenant.

Pour assurer la démonstration, j’ai repris en 1993 ce triangle, dans le cadre de la veille collective assurée par l’association MIP+ (5) sur l’usage du multimédia en formation des adultes peu qualifiés. Je l’ai décliné en trois losanges, en y associant un nouveau quatrième pôle : le concept d’abord de «concepteurs de ressources» puis de «e-ressources» que les apprenants et les formateurs peuvent mobiliser, indépendamment ou non l’un de l’autre, selon les trois schémas ci-dessous :

Sans bien mesurer, à l’époque, l’essor rapide et l’impact fort de l’usage des ressources numérisées, en particulier aujourd’hui les outils et ressources de type 2.0 (6), dans ce nouvel espace-temps formatif, formel et informel, on pouvait cependant imaginer que leur mobilisation allait accélérer l’instauration d’environnement d’apprentissage, de plus en plus ouvert, redistribuant les accès aux savoirs et leurs partages, et aussi et surtout, les relations avec les formateurs et entre les apprenants. Dans ces environnements, la collaboration présentielle, ou distante, serait un moteur nouveau et important de l’acte de formation ou plutôt d’autoformation. Le cumul des trois logiques, présentées ci-dessus, caractérise, de notre point de vue, la spécificité du nouvel espace d’activité des FOAD, telles qu’elles ont été définies par le Forum Français pour les Formations Ouvertes et à Distance (FFFOD). (7)


Du losange à la carte d’orientation

Dans le cadre de la conception de guide du e-tutorat (8) mis en ligne en novembre 2010, Michel Lisowski, chargé de missions au Centre Inffo, a également travaillé sur ce triangle. Il s’agissait de donner des repères nouveaux aux personnes souhaitant se former à distance aux fonctions de tuteurs à distance, dans le cadre des actions de types FOAD.

Dans cette deuxième illustration, le quatrième pôle qui enrichit le triangle n’est pas le concept de «ressources», mais celui de «groupe», autre forme de ressource en particulier de type relationnel. Cela permet de générer, dans un premier temps, de nouvelles activités repérées dans l’acte de formation ouverte et à distance ; faciliter, transmettre, collaborer et se former.

Puis en passant du losange à la carte d’orientation, l’auteur ajoute les verbes partager et participer. L’ensemble déployé forme une carte d’orientation. Cet outil qualifie un territoire enrichi et redistribué entre les activités des apprenants et celles des appreneurs ; appreneurs au sens des personnes environnant l’apprenant ; formateurs, tuteurs, animateur EPN, bibliothécaire, collègues ou pairs. Tel des architectes bâtisseurs, les concepteurs de ce guide confortent cette approche cartographique en la re-contextualisant, dans une vision plus large, et l’opérationnalisant jusqu’à proposer des exemples de tableaux de bord de formation de tuteurs ; de la carte d’orientation au tétradécagone...

D’autres figures construites à partir du Triangle de Jean Houssaye doivent très certainement exister, et apporter leurs contributions à la nécessaire ouverture maîtrisée de nos dispositifs de formation. Ces deux illustrations présentées ci-dessus, marquent la FOAD, comme une réponse opérationnelle à la révolution copernicienne qui est en train de se mettre lentement, mais sûrement, en place. Les acteurs de la formation innovent ; ce sont les organismes de formation qui vont s’adapter de plus en plus aux besoins et aux disponibilités des personnes pour les accompagner dans des espaces temps novateurs d’apprenance (9) telle que Philippe Carré l’a définie.

Vers la quatrième dimension !


Il nous reste à investir l’espace-temps à quatre dimensions, décrit en 1905 par Einstein ; mais là, pour le e-tutorat, c’est une toute autre affaire, en lien très certainement avec … la théorie Freudienne ! Cependant, pour les curieux, on ne peut que conseiller le lien vers une superbe ressource en ligne (10) produite au Québec. Avec des animations graphiques encapsulées dans des vidéos et avec un simulateur interactif, cette e-ressource inventive nous fait belle et bien «toucher» la quatrième dimension : comprendre la théorie d’Einstein en 30 minutes. Comme quoi, tout est relatif !

Notes

(1) HOUSSAYE Jean (2000) Le triangle pédagogique, Berne, Peter Lang.

(2) RODET Jacques - http://blogdetad.blogspot.com/2007/10/quelle-place-pour-le-tuteur-distance.html

(3) IOTA+, puis Algora, et enfin, au sein de l’APapp – www.app.tm.fr

(4) Accès au cahier des charges national des APP, porté par l’APapp – http://site.app.tm.fr/reseau/cahier.asp

(5) Association pour le développement du Multimédia Informatisé Pédagogique – www.mipplus.org – Rouen – Editeur de la Boîte à Outils Multimédias – Etude documentaire en ligne (i-BOM & i-BooM+) sur les ressources numérisées pour la formation des adultes peu qualifiés – contact@mippus.org

(6) Voir le site de mutualisation : http://skoden.region-bretagne.fr/Public/espace_public/decouvertes_web_2.0

(7) Voir «Le B.a.BA de la FOAD» publié par le FFFOD en 2009 : http://www.fffod.org/media/2002-baba-foad.pdf

(8) Voir l’un des sites du Centre Inffo : http://www.pratiques-de-la-formation.fr/etutorat/ - mlisowski@centre-inffo.fr

(9) Voir le terme «apprenance» proposé et éclairé dans le Wiki sur l’organisation du travail, la formation via Internet et les TIC, Wiki animé par Adrien FERRO - http://www.novantura.com/wiki/wakka.php?wiki=Apprenance

(10) Ressource conçue par Stéphane DURAND - Collège Edouard Montpetit - Québec : http://ww2.college-em.qc.ca/relativite-animee/ - Source THOT


Illustration en tête du billet : Wikimedia Commons

jeudi 6 janvier 2011

Rédiger la charte tutorale d'une FOAD


Texte extrait de Rodet, J. (2010) Propositions pour l'ingénierie tutorale. Revue Tutorales, n°7. pdf

La charte tutorale est un document qui répond à différents besoins. Tout d'abord, elle permet à l'institution de décrire sa stratégie tutorale, les valeurs qui la sous-tendent, le système tutoral qu'elle a adopté, l'identification des profils de tuteurs, les modalités d'interventions tutorales. Elle permet également de préciser les droits et devoirs des différents acteurs, tuteurs et apprenants, tant les uns envers les autres qu'en direction de l'institution.

La charte tutorale est donc d'abord un outil de communication sur le système tutoral en vigueur afin que chacun en possède une claire conscience. Elle revêt aussi, dans certaines de ces variantes, une dimension réglementaire, voire contractuelle.

Une première déclinaison de la charte tutorale à destination des tuteurs peut indiquer les engagements que ceux-ci doivent tenir. Le temps de réponse aux sollicitations des apprenants est fréquemment indiqué et se situe généralement entre 24 et 72 heures. Des mentions plus spécifiques aux conditions de travail telles que le nombre d'heures rémunérées par apprenant ou par promotion, la prise en compte de frais annexes comme ceux de connexion, d'impressions, de déplacement éventuels, de droits à la formation, s'apparentent davantage à celles qui sont habituellement indiquées dans un contrat de travail ou la fiche de poste qui l'accompagne. Les attendus en matière de suivi et de remontées d'informations à l'institution y sont fréquemment décrits. Enfin, le scénario de la formation, des fiches d'interventions types, des ressources complémentaires facilitant l'exercice de leurs fonctions par les tuteurs enrichissent cette mouture destinée aux tuteurs.

La deuxième variante de la charte tutorale, à destination des apprenants, rassemble des informations utiles au déroulement de la formation. En ce sens elle peut s'apparenter davantage à un guide de formation précisant les objectifs, le contenu, la structure, le système d'évaluation et le barème de notation, les échéances remarquables, le calendrier prévisionnel, etc.

La charte tutorale et ses variantes définissent donc un cadre au sein duquel la relation tutorale va pouvoir se développer. Fréquemment rédigée sans consultation des apprenants ou même des tuteurs, elle stipule les contraintes auxquelles ceux-ci sont soumis. D'une institution à l'autre, d'un dispositif à l'autre, les chartes tutorales au-delà des catégories d'informations communes qu'elles présentent, sont très variées dans leur contenu. Il n'y a donc pas de modèle a priori de charte tutorale mais il en existe par contre de nombreuses, facilement accessibles en ligne, qui peuvent servir de canevas et inspirer ceux qui sont chargés dans rédiger une.

Comme pour tout cadre, il apparaît pertinent de laisser certaines marges de manœuvre d'application aux acteurs, leur permettant éventuellement de trouver des adaptations pertinentes au regard de leurs situations et de leurs préférences. Bien évidemment, ces adaptations ne peuvent venir en contradiction de l'esprit de la charte et nécessitent que les acteurs conviennent ensemble de celles-ci, qu'elles soient communiquées à l'institution et officialisées par la production d'annexes par exemple. Ces adaptations de la charte tutorale ne sont alors que le reflet de la contractualisation de la relation tutorale entre le tuteur et le tutoré. Elles peuvent porter sur la fréquence des communications, les outils qui seront privilégiés pour les supporter, la réalisation de points d'étapes, etc.

Si dans de nombreux dispositifs, les tuteurs ne bénéficient pas de telles marges de manœuvre et sont avant tout chargés d'un nombre précis, quantifié et contrôlable d'interventions, il nous semble que c'est bien dans la contractualisation de la relation tutorale que les promesses de l'individualisation du suivi et du soutien peuvent être tenues.

Enfin, tout comme un système tutoral pourra être évalué et mis à jour, la charte tutorale mérite d'être revue régulièrement à la lumière de l'expérience et des vécus des tuteurs et des apprenants.

lundi 3 janvier 2011

Quelques chiffres pour la quantification du tutorat à distance


Texte extrait de Rodet, J. (2010) Propositions pour l'ingénierie tutorale. Revue Tutorales, n°7. pdf

Nos observations de différents systèmes tutoraux, essentiellement en milieu universitaire, nous amènent à avancer quelques chiffres qui restent néanmoins à réinterpréter pour chaque dispositif de formation.

Le premier contact, lorsqu'il est mené de manière individuelle et de manière synchrone nécessite de 15 à 60 minutes par apprenant. S'il fait l'objet d'une rencontre synchrone avec un groupe d'apprenants d'une vingtaine de personnes, sa durée peut se situer de 1 à 3 heures.

La quantification de l'animation d'un forum (lancement, réponses, relances, production de synthèse) dépend fortement de la participation des apprenants. A titre d'exemple, un forum réunissant une trentaine de participants, se déroulant sur une semaine, aboutissant à la publication d'une trentaine de contributions et d'une centaine de commentaires demande de 2 à 4 heures d'interventions de la part du tuteur.


La rédaction de messages proactifs peut être largement facilitée par la production de modèles dès la phase de conception, mais ceux-ci nécessitent fréquemment des adaptations qui demandent de 3 à 10 minutes.

La rédaction d'un message réactif nécessite, selon la complexité de la demande, des temps très différents. Il semble néanmoins raisonnable de fixer leur durée de 5 à 15 minutes.


L'animation d'une séance synchrone telle qu'une classe virtuelle demande un temps d'intervention du tuteur égal à celle de la durée de la séance multipliée par un 1,5 à 2 afin de prendre en compte les tâches de préparation et de bilan.


La production d'une rétroaction à une production d'un apprenant est corrélée au volume de celle-ci. Elle peut être très courte et largement préparée en amont dans le cas d'un QCM, mais beaucoup plus longue dans le cas d'un mémoire. Il est à noter que cette tâche d'évaluation est souvent, tant en présentiel qu'à distance sous-estimée voire non prise en compte pour la détermination du temps de travail du tuteur. Le temps de lecture peut être estimé de 1 à 3 minutes par page, la prise de notes préparatoires de la rédaction de 50 à 100% du temps de lecture, la rédaction de la rétroaction de 15 à 30 minutes par page rédigée.

Illustration : Arman, L'heure de tous