mercredi 28 mars 2012

Présentation des résultats d'une enquête sur les interventions tutorales réactives quasi instantanées

Du fait d'un petit souci à l'enregistrement, l'écoute sera plus confortable avec un casque ;-)
Ces résultats ont déjà fait l'objet d'un billet, il y a quelques semaines.


mardi 13 mars 2012

De la nécessité de l’ingénierie tutorale. Par Jacques Rodet

Il arrive fréquemment que des organisations mettant au point une offre e-learning ou blended learning fassent l’impasse sur le dimensionnement des services tutoraux à offrir à leurs futurs apprenants à distance. Focalisés sur les aspects techniques de leurs dispositifs, elles consacrent toute leur énergie, leur temps et leurs moyens financiers à la mise au point de LMS et à la production des ressources multi-médiatisées de formation. Le résultat est presque toujours identique et se révèle bien en-deçà des objectifs visés : les apprenants, laissés à eux-mêmes et à l’injonction d’autonomie qui leur est faite, peinent à trouver la motivation, à mobiliser leurs compétences d’apprenant, à choisir les stratégies d’apprentissage adéquates. De ce fait, la somme du pourcentage des non démarreurs et de celui des abandons se révèle élevée et met à mal les espérances de l’organisation envers cette modalité de formation, présentée tout à la fois comme performante et réductrice de coûts. Quels sont les coûts d’un abandon ? Quels sont ceux de la défiance provoquée des collaborateurs envers le e-learning ? Au-delà des aspects comptables, les conséquences d’ordre symbolique, organisationnel ou social sont réelles même si elles restent peu identifiées et quantifiées.

Convaincre de la nécessité de l’ingénierie tutorale (cf. Rodet, J. Propositions pour l’ingénierie tutorale) n’est certainement pas chose aisée et présente certaines analogies avec le châtiment de Sisyphe : rocher à hisser au sommet jamais atteint d’une colline, retombant continuellement à son pied. Car il est un fait, étonnant, que les retours d’expériences des pionniers et des acteurs de la FOAD restent peu inspirateurs pour les nouveaux entrants. Nombreux sont les écrits scientifiques et les témoignages de praticiens qui ont apporté, sinon la preuve, du moins un faisceau de données concordantes et peu discutables sur l’importance d’offrir aux apprenants à distance un ensemble de services d’accompagnement destinés à les aider à atteindre leurs objectifs de formation.

Une autre raison de la sous- estimation du tutorat à distance est certainement à rechercher dans la manière dont les futurs chefs de projet e-learning sont formés. Si les universités ont développé de nombreux masters, il est remarquable que la très grande majorité d’entre eux n’incluent pas dans leurs maquettes des apports spécifiques sur la conception des services tutoraux. S’il semble naturel de former à la scénarisation pédagogique, aux outils de conception et de production des ressources, aux aspects juridiques, à l’ergonomie, etc. il n’en va pas de même pour l’ingénierie tutorale. A cet égard, il apparait que les universités comme les prestataires et les commanditaires du e-learning ne sachent pas qu’ils ne savent pas : qu’ils soient dans l’ignorance en matière de tutorat à distance. Il est donc essentiel de les faire passer au stade suivant qui consiste en la prise de conscience de leur ignorance, point de départ d’une éventuelle appétence pour ce sujet. Or, comme tout un chacun a pu l’expérimenter, la prise de conscience de son ignorance est douloureuse, provoque le refus du conflit cognitif et la résistance aux efforts à fournir. Cette prise de conscience doit donc être le résultat d’un processus bienveillant mais aussi réaliste de la part de celui qui s’y essaye.

Le tutorat à distance nourri de nombreux a priori : chaque formateur serait par nature un tuteur à distance ; le coût de l’accompagnement des apprenants est rédhibitoire ; le e-learning étant autoportant, se suffisant à lui-même, c’est aux apprenants de faire preuve de responsabilité et d’autonomie ; le tutorat étant fondé sur la relation humaine, il ne peut faire l’objet d’une ingénierie planificatrice.
Au risque de décevoir, il n’est pas exact d’affirmer que les compétences possédées par un formateur présentiel soient suffisantes pour être tuteur à distance. Les dimensions multiples de la distance se révèlent déstabilisantes pour bien des formateurs. La centration du tuteur à distance sur le support à l’apprentissage met à mal la représentation de leur professionnalité par de nombreux formateurs : "détenteur d’un savoir, je suis un professionnel de sa transmission".

Si le tutorat à distance a un coût, les abandons aussi. A contrario de ces derniers, les moyens financiers mobilisés pour le tutorat à distance sont à considérer comme des investissements. Un apprenant à distance accompagné tout au long de sa formation possède objectivement plus de chances de réussir. C’est sa réussite qui conditionnera sa décision de poursuite de formation. En facilitant la réussite des apprenants, le tutorat à distance devient un facteur essentiel de la fidélisation des apprenants/clients. Une autre manière de faire face aux coûts du tutorat à distance est de le vendre. Dès lors qu’un service tutoral est énoncé et effectif, il acquiert une valeur et peut donc légitimement faire l’objet d’une transaction commerciale.

Il arrive relativement souvent de constater que les concepteurs de dispositifs e-learning, ignorants des tenants et aboutissants du tutorat à distance, se révèlent extrêmement confiants dans l’auto-portance des ressources de leurs formations. Or, la formation est et restera toujours une rencontre entre individus. Le fait de la porter à distance n’ôte aucune pertinence à cet invariant. Il est donc bien aventureux, dès lors qu’il s’agit bien de formation et non d’une simple communication, de faire l’économie de la rencontre, de l’échange, de la négociation du sens.

La caractéristique humaine du tutorat à distance ne le rend pas inéligible aux actions de prévision, de projection, d’organisation, de rationalisation, de conception, de mise au point, de régulation : toutes actions d’ingénierie. Ce n’est pas parce que tout ne peut pas être prévu à l’avance, que l’aléa est toujours possible, qu’il faille se résigner à improviser la dispense des services tutoraux et à en déléguer la pleine responsabilité aux seuls tuteurs. Mettre au point une stratégie tutorale, identifier les profils de tuteurs, concevoir les interventions tutorales, les quantifier, les positionner dans le scénario pédagogique sont quelques-unes des actions que l’ingénierie tutorale permet de penser et de réaliser.

Le plaidoyer que constitue ce billet sera-t-il convaincant ? Le rocher est-il déjà redescendu de Tartare ? Ne voulant en aucun cas clore le débat, c’est avec plaisir que je prendrai connaissance de vos commentaires et arguments.

lundi 5 mars 2012

Quelques compétences à mobiliser par un tuteur à distance. Représentations préalables d'apprenants

Dans le cadre d’une formation-action menée à l’ESEN, j’ai eu l’occasion d’interroger les participants sur les compétences qu’ils pensent posséder et pouvoir utiliser pour réaliser des interventions tutorales dans un dispositif de FOAD. La liste ci-dessous n’est en aucun cas exhaustive mais pointe les compétences que quelques formateurs et cadres de l’Education Nationale se sont reconnues. A la suite, de la présentation de ces compétences, je formule quelques courts commentaires.

Compétences organisationnelles
  • Etre capable de se préparer
  • Savoir organiser son temps
  • Prioriser ses interventions et actions
  • Connaitre les différents métiers de la FOAD
Il est remarquable que plusieurs compétences organisationnelles aient été indiquées d’autant qu’elles sont habituellement peu identifiées. Les réponses des participants renvoient plus largement à une compétence en matière de projection et de planification. Il est également relevé nécessaire de se préparer à l’exercice des fonctions tutorales. Cette préparation renvoie certainement à la participation à un formation préalable mais peut-être aussi à une mise en condition tant psychologique que relevant de l’autorisation à être tuteur.

Compétences pédagogiques et disciplinaires
  • Savoir entrer dans [appréhender] une démarche d'ingénierie de formation
  • Etre capable de transmettre
  • Maîtriser les contenus
La maîtrise du contenu de la formation est une compétence attendue des tuteurs à distance par les apprenants, et le fait qu’elle apparaisse dans cette liste est logique. Plus intéressant, il est souligné que le tuteur devrait être capable de faire siens un scénario et une démarche pédagogique qu’il n’a pas déterminés lui-même. C'est une compétence que l'AUF a retenue pour l'obtention de son "Certificat International Francophone au Tutorat en Enseignement à distance" (cf. ce billet).

Compétences comportementales
  • Etre capable de s’adapter
  • Etre capable d’anticiper
  • Faire preuve de clairvoyance
  • Etre capable de communiquer
  • Etre disponible
  • Etre capable d’écouter
  • Etre capable d’encadrer
  • Etre humble
  • Etre réactif
  • Etre capable de percevoir
  • Faire preuve de psychologie
Les compétences comportementales sont les plus nombreuses à avoir été évoquées. Si cela tient au fait que, par nature, ces compétences sont plus aisément transférables que d’autres, il est possible aussi d’y reconnaitre une représentation des participants de leur professionnalité qui se révèle ne pas être fondée uniquement sur la maîtrise d’un contenu à transmettre mais également sur leur capacité à entrer en relation avec les apprenants. Nul doute que ceci soit un facteur facilitant pour investir des fonctions tutorales.

Compétences techniques
  • Avoir les connaissances de base dans le domaine technique pour appréhender une formation à distance
  • Connaitre les outils LMS
  • Maîtriser les outils
Les trois mentions relatives aux compétences techniques indiquent trois niveaux différents d’expertise technique. Entre avoir des connaissances, connaître et maîtriser, il existe plus que des nuances. Cela traduit peut-être des différences de familiarisation avec les outils de la part des participants mais certainement aussi des rapports affectifs à la technologie variés.

jeudi 1 mars 2012

Enquête sur la perception des apprenants sur les interventions tutorales réactives quasi instantanées. Par Jacques Rodet

INTRODUCTION
Dans un billet précédent, j’évoquais la notion d’intervention tutorale réactive quasi instantanée (ITRqi). Une ITRqi est une intervention réactive de la part d’un tuteur. Elle intervient donc après une sollicitation d’un apprenant. La quasi instantanéité indique que la réponse du tuteur intervient dans un délai inférieur à une heure après la réception de la demande de l’apprenant.

J’estimais que les ITRqi pouvaient permettre à l’apprenant de se sentir mieux pris en compte et de nature à lui rendre service, au moment où il en a besoin. Afin de vérifier cela, j’ai procédé à une enquête par questionnaire auprès des 30 étudiants du Master MFEG de Rennes 1 (promotion 2011-12) dans lequel je suis enseignant-tuteur d’une UE intitulée « Ingénierie et stratégies de support à l'apprentissage ». 10 personnes ont répondu au questionnaire. Si ce nombre de réponses est significatif, il n’autorise pas de traitement statistique à visée généralisatrice. C’est pourquoi les différents tableaux présentant les résultats n’intègrent que les valeurs brutes recueillies. Les données ont été collectées au mois de janvier 2012 soit à mi-parcours de la session du master.

PRESENTATION DES RESULTATS


A travers cette première question, il ne s’agissait pas de comparer quantitativement les ITRqi aux autres interventions tutorales. Plus modestement, l’objectif était d’identifier si cette pratique existe au sein du MFEG. L’ensemble des répondants a bénéficié d’au moins une ITRqi. Le nombre minimal d’ITRqi pour ces 10 répondants s’établit à 34 sans qu’il soit possible de déterminer ni le nombre maximal et encore moins le nombre réel.
Points aveugles et biais
  • Il est possible que les personnes n’ayant pas répondu à cette enquête ne l’aient justement pas fait parce qu’elles n’avaient pas bénéficié d’ITRqi. 


Le système tutoral du Master MFEG comprend six profils de tuteurs. Pour cette enquête, le profil tuteur-projet n’a pas été retenu. Une description des périmètres d’interventions de ces tuteurs est disponible à http://blogdetad.blogspot.com/2009/09/entretien-avec-patrice-mouton-le.html
Il est remarquable que chaque répondant ait bénéficié d’au moins une ITRqi de la part d’un des tuteurs-pair. 
Points aveugles et biais
  • Le fait qu’un tuteur n’est pas fourni d’ITRqi peut simplement être causé par le fait qu’aucun étudiant ne l’ait sollicité.
  • Le tutorat technique faisant l’objet au sein du MFEG de nombreuses interventions proactives, ceci peut tarir les occasions d’ITRqi
  • Le tutorat par les pairs investissant l’ensemble des plans de support à l’apprentissage contrairement à d’autres profils de tuteurs ainsi que la proximité sociale consubstantielle à cette forme tutorale entrainent certainement de plus nombreuses sollicitations des étudiants donnant plus d’occasions aux tuteurs pairs de fournir des ITRqi.


Il apparait clairement que les répondants ne s’attendaient pas à recevoir de réponses quasi instantanées à leurs demandes de soutien de la part de leurs tuteurs.
Expressions de la part des répondants
  • « Les premières réponses instantanées font vraiment oublier la distance, et rappellent un des gros avantages du présentiel : la réactivité. »


Il apparait que les ITRqi ont de fortes chances de rejoindre les étudiants alors qu’ils sont encore en train de travailler à l’activité pour laquelle ils ont sollicité un soutien tutoral.


Il apparait que les ITRqi sont jugées bénéfiques par l’ensemble des répondants.
Points aveugles et biais
  • Il est impossible de tirer de ces réponses une certitude sur la raison pour laquelle ces interventions tutorales sont jugées bénéfiques. En particulier, le bénéfice n’est pas forcément relatif à la quasi instantanéité.
Expressions de la part des répondants
  • « Il n’est par nature pas toujours facile de demander de l’aide, et j’ai le sentiment que cela est encore plus difficile lorsqu’il s’agit de formation à distance. Parce qu’on est souvent seul(e) devant son ordinateur, on peut facilement avoir l’impression d’être le (la) seul( e) à avoir des difficultés. Lorsque l’on « franchit le pas », les questions posées correspondent souvent à un problème bloquant de manière récurrente. Il est donc très sécurisant d’avoir une réponse dans les plus brefs délais. »
  • « Bénéfique car on se sent épaulé et moins seul, surtout quand on travaille à plein temps et qu’on n’a que peu de créneaux pour travailler. »


Il apparait que tous les répondants s’estiment satisfaits de la qualité des ITRqi dont ils ont bénéficié.
Points aveugles et biais
  • Il est impossible de tirer de ces réponses la raison pour laquelle les répondants sont satisfaits des ITRqi. En particulier, cette satisfaction n’est pas forcément relative à la quasi instantanéité.
Expressions de la part des répondants
  • « Satisfait, car une réponse instantanée était quelquefois juste faite pour dire : je cherche, patiente et ça suffit pour rassurer et faire attendre. »
  • « Nous pourrions craindre que « rapidité » ne soit pas synonyme de « qualité », dans mon cas cela n’a jamais été le cas, les réponses ont toujours été adaptées. »


Il apparait qu’une grande majorité des répondants n’établit pas de différences de qualité entre les ITRqi et les autres interventions tutorales. Toutefois, le répondant positionnant les ITRqi comme de qualité supérieure argumente ainsi : « Les réponses instantanées me semblent d’un apport supérieur car elles donnent un sentiment d’écoute, d’empathie, et me paraît d’autant plus important qu’il s’agit d’une formation à distance où l’on se retrouve de très longs moments seul(e) devant son écran et seul devant les difficultés. La réactivité des réponses réduit le sentiment de solitude et d’isolement. »
Expressions de la part des répondants
  • « Si la réponse est « maitrisée », elle peut être communiquée instantanément, donc elle sera identique à une réponse plus tardive. »


Il apparait que tous les répondants estiment que les ITRqi ont eu un effet bénéfique sur la qualité des relations qu’ils ont entretenues avec leurs tuteurs.


Il apparait que les ITRqi ont encouragé une large majorité de répondants à solliciter davantage leurs tuteurs.
Expressions de la part des répondants
  • « Je ne crois pas que la réponse instantanée rende le nombre de questions exponentiel. En revanche, elle met plus en confiance pour le cas où une autre aide serait à demander. »
  • « Je suis du genre à ne pas aimer déranger …une réponse rapide me donne l’impression que quelqu’un est réellement à mon écoute et « ne fait pas semblant » : du genre « écrivez-moi, je veux une question très précise et argumentée…. » .. .ce qui décourage les questionneurs peu sûrs d’eux, qui ont un problème et ne savent pas bien comment le formuler. Mais, il faut aussi « épargner » les tuteurs … donc trouver des formulations qui encouragent les « timides » et dissuadent les « solliciteurs fous »


Tous les répondants s’étant exprimés souhaitent bénéficier d’ITRqi. Si une moitié estime que les ITRqi ne doivent pas avoir de temporalité formelle, ils sont presque aussi nombreux à souhaiter une formalisation de ces interventions sous forme de permanences tutorales.
Expressions de la part des répondants
  • « Délicat de répondre à cette question, il semble difficile d’exiger d’un enseignant qu’il soit continuellement disponible avec 40 apprenants et X cours. En revanche, ce serait un idéal à atteindre du point de vue des apprenants ! »
  • « La notion de permanence parait être une solution … seul bémol : je choisis en général la personne que j’interroge, en raison de ses compétences et du « feeling » que j’ai avec elle. Or, dans le cas de permanence, ce choix serait plus difficile, voire impossible. Sauf à mettre des noms en face des permanences. »
  • « Au minimum dès que le tuteur en a la possibilité. L’idéal [étant], si l’organisation du système tutoral le permet, d’avoir des permanences tenues par les tuteurs permettant d’apporter des réponses quasi immédiates aux apprenants. »

Question ouverte : Quelles sont les informations sur les interventions tutorales quasi-instantanées que les questions précédentes ne vous ont pas permis d’exprimer ?

Expressions de la part des répondants
  • « Il me semble que la réactivité du tuteur est un point essentiel à la fois pour maintenir un contact entre apprenant et tuteur, pour « rassurer » l’apprenant et l’aider à affronter seul ses difficultés. Plus la réponse est rapide et pertinente et plus elle crée un sentiment de confiance et de liens. »
  • « L’urgence et l’importance de la demande ne sont pas forcément liées sur le fond mais l’urgence fait apparaître des choses peu importantes comme indispensables […] La pression du cout terme nous empêche de prendre du recul sur les vrais problèmes. »
  • « Une formalisation par tuteur de leurs disponibilités minimales permettrait de diminuer les sentiments de gêne (mon message ne tombe pas bien alors que j'aurai besoin d'une réponse rapide) ainsi que le sentiment de "colère" (il pourrait me répondre plus vite) […] Parfois ne faut-il pas savoir différer, ce qui permet à l'étudiant de chercher par lui-même une partie des réponses et aussi de mesurer l'objet de sa demande (cognitif, socio affectif,) et la préciser davantage, la rendre plus pertinente et plus efficace. »
  • « Une réponse quasi instantanée favorise un lien de confiance avec le tuteur « il est là quand j’en ai besoin » et a un aspect rassurant dans le cadre d’une formation à distance. »
  • « L’homme qui est derrière le tuteur est important et qu’il ne faut pas le faire disparaitre derrière sa fonction : les services rendus me semblent ici très liés aux personnalités des tuteurs. »
  • « La réactivité me semble être un élément incontournable à la réussite du dispositif. La disponibilité constante des tuteurs n’est pas réaliste. Par contre l’affichage de plages assez larges permettant d’accéder à un tuteur dans un délai raisonnable peut être une solution. » 

DISCUSSION

Dans le billet cité en introduction à celui-ci, je formulais plusieurs constats issus essentiellement de l’observation de ma pratique tutorale et d’échanges avec un collègue québécois sur les bénéfices que pouvaient retirer les apprenants des ITRqi . J’en retiens les trois suivants :
  • Les ITRqi surprennent les apprenants
  • Les apprenants apprécient les ITRqi en particulier parce qu’elles interviennent au moment où ils réalisent leur activité d’apprentissage.
  • Les ITRqi permettent aux apprenants de sentir mieux pris en compte
Les ITRqi surprennent les apprenants
Les données recueillies vont dans le sens d’une confirmation du caractère surprenant des ITRqi pour les apprenants. Ceux-ci ne s’attendent pas à bénéficier d’un service tutoral tel que celui des ITRqi. Les étudiants interrogés lors de cette enquête ont une bonne connaissance du système tutoral de leur master. D’une part, parce que celui-ci est présenté dans une charte tutorale et d’autre part parce que cette dernière fait l’objet d’une activité durant l’UE « Ingénierie et stratégies de support à l’apprentissage ». Or, les ITRqi ne sont pas documentées ni même citées dans cette charte. Au contraire, les devoirs des tuteurs-cours stipulent un délai pouvant atteindre les 72h. L’effet de surprise attaché aux ITRqi est donc certainement favorisé par le fait que les apprenants en ignorent tout avant d’en bénéficier.

Cette surprise reste néanmoins à relativiser ainsi qu’un répondant nous invite à le faire en déclarant « on s’habitue». Il semble donc que si la surprise soit inhérente aux premières ITRqi, elle ne puisse conserver bien longtemps cette caractéristique. Comme par ailleurs, les résultats montrent que les ITRqi ont provoqué une plus grande sollicitation de leurs tuteurs par les répondants, ceci peut être interpréter comme une abolition de la surprise. A partir du moment où le tuteur sollicité répond rapidement, l’apprenant s’autorise davantage à le contacter et voit certainement sa perception de son besoin à bénéficier du soutien d’un tuteur évoluer. Cette évolution pouvant se traduire par une plus grande dépendance à l’égard du tuteur et un exercice moindre de son autonomie d’apprenant. Par ailleurs, le fait que certains répondants aient sciemment voulu tester la reproduction de ce petit miracle de « l’instantanéité à distance et/ou de la surprise » a pu également provoquer de manière marginale des sollicitations plus fréquentes des tuteurs.

Il est assez difficile de cerner les effets positifs de la surprise liée aux ITRqi. Il serait nécessaire d’avoir d’autres données pour répondre à la question suivante : A quoi peut servir la surprise ? Il est néanmoins acquis que les effets de la surprise ne sont que transitoires et que l’intérêt des ITRqi ne peut être réductible à la surprise qu’elles provoquent chez les apprenants.

Les apprenants apprécient les ITRqi en particulier parce qu’elles interviennent au moment où ils réalisent leur activité d’apprentissage
Les résultats montrent que les ITRqi sont susceptibles de rejoindre les apprenants lorsqu’ils sont encore aux prises avec les activités qui ont provoqué leur prise de contact avec un tuteur. Par ailleurs, les ITRqi sont jugées bénéfiques par la totalité des répondants. Si les répondants n’établissent qu’assez peu de liens entre le moment de réception de l’ITRqi et le caractère bénéfique de celle-ci, certains commentaires plus généralistes peuvent être rattachés à un tel rapprochement : « La réactivité me semble être un élément incontournable à la réussite du dispositif ». Toutefois, cette conjonction temporelle de l’ITRqi et de la réalisation de la tâche d’apprentissage peut présenter des inconvénients sur le plan pédagogique et renforcer le lien de dépendance entre l’apprenant et le tuteur tel que l’indique cet autre témoignage : « L’urgence et l’importance de la demande ne sont pas forcément liées sur le fond mais l’urgence fait apparaître des choses peu importantes comme indispensables […] La pression du cout terme nous empêche de prendre du recul sur les vrais problèmes. »

Les ITRqi, éléments d’une présence manifestée et subterfuge d’échanges synchrones, en partagent également les inconvénients et les limites.

Les ITRqi permettent aux apprenants de sentir mieux pris en compte
Tous les répondants ont indiqué que les ITRqi dont ils ont bénéficié ont eu un effet bénéfique sur la qualité des relations qu’ils ont entretenues avec leurs tuteurs. Si les données recueillies ne permettent pas d’identifier les gains objectifs et l’enrichissement de la relation tutorale qui en a résulté, plusieurs commentaires donnent une indication claire : « Plus la réponse est rapide et pertinente et plus elle crée un sentiment de confiance et de liens. » ; « Une réponse quasi instantanée favorise un lien de confiance avec le tuteur » ; « Je ne crois pas que la réponse instantanée rende le nombre de questions exponentiel. En revanche, elle met plus en confiance pour le cas où une autre aide serait à demander. »

La confiance apparaît comme le maître mot de la qualité de la relation tutorale. Les ITRqi semblent donc jouer un rôle dans la construction de la confiance. Ceci souligne bien que la confiance s’éprouve et est fondée sur la réciprocité. Donner au-delà des attentes des apprenants, (dans le cas des ITRqi, le surplus étant relatif à la brièveté du délai de la réponse) jouerait un peu comme la proactivité, mais une proactivité ciblée, individualisée, temporalisée, étant certaine de ne pas importuner l’apprenant, en un mot, adéquate.

CONCLUSION

La modestie de l’enquête dont les résultats ont fait l’objet de ce billet doit mettre en garde face à leur généralisation. Toutefois, elle a permis de mieux qualifier certaines impressions personnelles, parfois partagées avec d’autres tuteurs dont voici la rapide liste :
  1. Une ITRqi surprend l’apprenant qui en bénéficie pour la première fois
  2. Les ITRqi ont de bonnes chances de rejoindre l’apprenant en train de réaliser ses activités d’apprentissage
  3. Les ITRqi sont jugées, par les apprenants, bénéfiques et de qualité équivalente aux autres interventions tutorales
  4. Les ITRqi influent positivement la construction de la confiance entre l’apprenant et le tuteur
  5. Les ITRqi ont tendance à provoquer une augmentation des communications entre l’apprenant et le tuteur
Il est certain, que cette enquête mériterait d’être reproduite dans des contextes différents afin de permettre une comparaison des résultats enregistrés.

Au final, de nombreuses questions restent ouvertes et en particulier celle de l’encouragement voire de la prescription que des institutions pourraient avoir à l’intention des tuteurs pour qu’ils réalisent des ITRqi. A partir du moment, où les ITRqi rendent service aux apprenants, quelle doit être la place à leur réserver au sein de la stratégie tutorale ? Peuvent-elles être prescrites ? A quelles conditions ? Baser l’aide tutorale sur l’annonce de la réalisation d’ITRqi se révélerait-il positif ou au contraire en soustrayant la surprise qui est une de leurs caractéristiques n’amènerait-il pas à une exigence accrue envers les tuteurs et des comportements opportunistes de la part des apprenants ?